« Les love hotels disent quelque chose des usages, des fantasmes, de la culture populaire. »

« Les love hotels disent quelque chose des usages, des fantasmes, de la culture populaire. »
© All Pics from Rebecca Fanuele for agnès b.

Le photographe François Prost expose actuellement à la Galerie du Jour son projet Love Hotel, qui documente les façades de ces derniers au Japon.

Comment avez-vous rencontré agnès b. ?
Mes enfants allaient dans la même école qu’une personne qui travaillait à la Galerie du Jour. Un jour, je suis allé lui montrer un de mes livres, sans attente particulière. Ces photos ont plu à Agnès, et quelques années plus tard elle m’a proposé de faire une exposition. Disons que j’ai un peu forcé le hasard.

Quel a été le point de départ de votre parcours artistique ?
J’étais graphiste et je menais des projets photographiques en parallèle. Vers 2011, j’ai commencé une série sur les façades de discothèques en France. Le déclic est venu lors d’un voyage à vélo avec un ami. En attendant mon pote un dimanche matin sur le parking désert d’une boîte de nuit, j’ai été frappé par l’ambiance du lieu — une ferme transformée en discothèque, avec des restes de fête, des traces de pneus, des paquets de cigarettes… Ce décalage visuel m’a marqué. J’ai pris une photo, sans trop y penser. Quelques mois plus tard, en retombant dessus, j’ai senti qu’il y avait quelque chose à creuser.

Comment ce projet a évolué ensuite ?
C’est devenu une petite obsession. J’ai commencé à accumuler ces façades sur mes trajets. J’ai monté une collection, publié des images. Le livre After Party est né de là. Ensuite, j’ai décliné cette idée ailleurs : aux États-Unis avec Gentlemen’s Club, en Côte d’Ivoire avec Club Ivoire, puis au Japon plus récemment avec Love Hotel. Chaque fois, le projet s’enrichit d’une dimension locale, sociétale, culturelle.

Parlez-nous de Love Hotel, actuellement exposé à La Fab.
Après les discothèques et les clubs de strip-tease, les love hotels au Japon m’ont semblé un sujet passionnant, à la fois graphique et culturel. J’ai passé deux semaines et demie sur place en 2023, sur un itinéraire entre Nagoya, Kyoto, Osaka, Okayama, Shikoku et Tokyo. Parfois, je passais cinq minutes sur un site, parfois une demi-journée pour capter la bonne lumière. 

Comment préparez vous vos voyages ?
Je suis assez méthodique. Je prépare énormément en amont. Je construis mes trajets comme des road-trips photographiques, où le déplacement est presque aussi important que la prise de vue. Je loue une voiture et je joins ces points que j’ai posé sur la carte, près d’une centaine au Japon. Il y a un plaisir à découvrir le monde par ces angles inattendus. Chaque voyage me marque profondément. 

Qu’est-ce qui vous fascine dans ces architectures de bord de route ?
C’est une manière de raconter une époque et une société à travers ses objets visuels. Ces lieux disent quelque chose des usages, des fantasmes, de la culture populaire. J’ai une approche presque documentaire, influencée par le travail de figures comme Bernd et Hilla Becher ou le magazine Colors de Benetton. Il y a toujours un jeu entre l’onirique et le réel, un aller-retour entre l’image mentale et sa confrontation au terrain. Je suis fasciné par ce que les images disent sans le dire, par leur capacité à condenser un imaginaire collectif.

Quel rôle agnès b. a-t-elle joué dans votre trajectoire ?
Elle me soutient de manière très libre, presque comme une résidence informelle. Elle suit mes projets, m’encourage, me donne une visibilité incroyable. Sans elle, Love Hotel n’aurait sans doute pas vu le jour sous cette forme. C’est précieux. Et tout cela est né d’un petit geste : aller montrer un livre à quelqu’un. Il faut oser pousser les portes. Ça peut tout changer.

 

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Love Hotel : un voyage photographique à travers les façades des love hotels japonais
Du 20 mars au 18 mai 2025
Galerie du Jour, 
Place JM Basquiat 
Paris 13e

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